En préparant mon entretien avec Jay-Jay Johanson, j’avais remarqué qu’il avait fait des études d’architecture. Pourquoi ? Comment était-il passé de l’architecture à la musique, cette thématique allait être au cœur de notre rencontre à l’hôtel Steigenberger Wiltcher’s à Bruxelles.

Jay-Jay Johanson behind architecture – @misteremma.com

En tant qu’enfant, j’aimais dessiner. C’était ma passion. Ça l’est toujours. Ma deuxième plus grande passion était les mathématiques. Le chemin qui pouvait combiner mes deux passions était l’architecture. C’est ainsi que j’ai démarré des études. Mais ces 4 années furent plus concentrées sur l’étude de l’isolation par exemple et de bien d’autres choses ennuyantes – qu’il faut certe apprendre – mais je pensais que ce serait plus artistique.

Et depuis lors, tu es toujours intéressé par l’architecture ?

J’ai un fils de 10 ans et nous faisons régulièrement de longues promenades et je m’attache à lui montrer à quoi ressemble la ville et à lui apprendre les différentes constructions, les différentes époques. L’architecture, c’est ça pour moi plutôt que la fascination pour un architecte en particulier. Bien évidemment, je peux mentionner Rem Koolhaas mais c’est vraiment pas ça qui m’importe. Je suis beaucoup plus inquiet à comment la ville fonctionne. Je suis contre les grands gestes architecturaux. Londres, exemple, est dans cette voie, celle de la destruction de la beauté pour y placer des gestes.

Il y a une architecture que tu préfères à une autre ?

Oui, j’aime beaucoup les constructions en briques rouges, les vielles entreprises en briques rouges. C’est certainement mon matériaux préféré.
L’architecture suédoise construit aujourd’hui bien plus avec du bois. A Stockholm par exemple. Pas encore les gratte-ciels. C’est bien. C’est bien.

Un mot sur ton enfance ?

Mon père était typographe et quand j’étais enfant, j’allais dans son imprimerie. Dans les années 70, on faisait toujours la typographie lettre par lettre. J’était totalement impressionné par ce travail. C’était magique.
Après il y eu les machines à écrire et leur bruits assourdissants et monotones.
Lors de mon premier job pendant mes études, j’ai travaillé chez ID Magazine. C’était la dernière année où ils travaillaient avec une wax machine et un scalpel. ID Magazine reste mon magazine favori mais vous pouvez voir la différence de fabrication lorsque l’ordinateur est arrivé. C’est beaucoup plus lisse.

Cela me fait penser bien évidemment à l’architecture et l’époque où les architectes dessinaient les bâtiments. Lors de mes nombreux entretiens avec eux, c’est une question récurrente et la réponse est souvent la même : je dessine toujours mais il est de plus en plus compliqué de trouver de jeunes architectes qui sachent encore dessiner. Tout se passe aujourd’hui via des programmes. Au final, c’est une bataille de l’image plutôt que d’un concept et l’architecture se lisse de plus en plus comme s’il n’y avait plus qu’un seul architecte au monde.

Peut-être que faire de la musique, c’est aussi un peu faire de l’architecture ou en tout cas construire note après note un morceau.

Bien sûr. Dans mon travail, il y a plusieurs niveaux : d’abord, il y a le plaisir d’écrire. C’est la partie du dessin, de la beauté. Celle du stylo sur le papier. Ensuite, il y a les arrangements et la production que je fais moi-même. Lorsque je compose, je tente de rester à l’écart de toute inspiration et de toute influence. J’essaie toujours d’amener une certaine dramaturgie dans ma musique via les arrangements. Je tente de jouer avec les contrastes. Si les chansons sont très douces, j’essaie d’apporter des arrangements très bruyants ou si la chanson est restée douce, alors c’est le clip qui sera violent ou bizarre.

Comment décrirais-tu ta musique ?

La manière la plus large de la décrire est de dire qu’elle est pop. Parfois, elle est plus jazzy, alternative, indépendante, électronique, … mais « pop music » est la bonne définition.

Certaines chansons sont très mélancoliques…

Dans les années 90, j’étais très seul et mes chansons décrivent très bien cet état d’âme. Ensuite, je me suis marié mais je passe beaucoup de temps à l’étranger, dans les hôtels, loin des personnes de j’aime et c’est cette solitude que je décris aujourd’hui. Mais elle est positive car je sais que quelqu’un m’attend à la maison. Dans les années 90, ce n’était pas le cas. Ma musique était alors plus noire, désespérée, suicidaire. Cette noirceur n’est plus là mais la solitude, oui ! Mais c’est une solitude dont j’ai besoin pour travailler, pour écrire.
Dans les années 90, je voyais la solitude comme quelque chose de mal alors qu’aujoud’hui, je sais qu’elle m’est nécessaire et qu’elle est positive.

Un mot sur le dernier album Bury the Hatchet ?

C’est difficile pour moi d’en parler car c’est encore trop frais. Je suis encore trop impliqué dedans que pour avoir du recul sur ce que j’ai produit. Je n’ai jamais pris de break et à chaque enregistrement, j’ai l’impression que c’est la continuité du précédent. En fait, mon processus d’écriture ne s’arrête jamais. Ce n’est qu’à un moment donné où je me dis « ok, arrêtons-là et enregistrons ». Mais mon processus d’écriture continue.
Généralement, la dernière chanson que j’enregistre sur un album donne le ton du prochain !
Si je dois dire quelque chose, je dirais que j’ai voulu faire quelque chose de beau. Pas cool. Je n’aime pas ce terme. Quelque chose de beau !


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