Nous sommes le 12 novembre 2019. Il est 18h40 environ, j’ai rendez-vous avec les réalisatrices Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet qui présentent au Pink Screens, pour la première fois en Belgique, leur documentaire intitulé « Mon nom est Clitoris« .

Ce documentaire est un dialogue entre jeunes femmes autour de la sexualité féminine. Avec une liberté, un courage et un humour communicatifs, elles partagent leur expérience et leurs histoires, dans la volonté de changer le monde autour d’elles et de faire valoir le droit des femmes à une éducation sexuelle informée, délivrée des contraintes et des tabous.

Les deux jeunes femmes se sont rencontrées à l’INSAS. L’une était en montage et l’autre en section image. Elles sont devenues copines et ont décidé de partir en voyage à Istanbul. Lors d’une soirée, elles ont parlé de leur sexualité : « On n’avait pas l’idée de réaliser des films mais le sujet nous a donné envie de faire ce film.« 

Elles se sont mises à filmer sans aide, sans l’INSAS, sans prod. « Pour être libre » me disent-elles mais elles ont été rattrapées en fin de parcours : « on est allé à un atelier de pitching de films avec un dossier et un premier montage de plus d’une heure et Isabelle d’IOTA Productions est venue nous dire que le sujet les intéressait. » Si le tournage n’a pas couté cher, les deux réalisatrices étaient très contentes de trouver une production pour financer la post-production.

Le film étonne à plus d’un point car les femmes qui sont interrogées parlent très librement : « Le premier cercle, ce sont des amies proches. Le second cercle était des amies d’amies et le troisième cercle était des inconnues mais c’était toujours des filles qui avaient envie, dont le sujet les intéressait.« 

Le deuxième point étonnant du film est le constat que la femme ne connaît pas son corps : « C’est une des raisons du pourquoi il n’y a pas d’homme dans le film. C’est plus frappant de constater que la femme ne connaît pas son propre corps, plutôt que de constater que l’homme ne connaît pas le corps d’une femme. En fait, il y a aussi une auto-censure. On ne va pas se renseigner, on ne va pas regarder. L’éducation et l’environnement sont les responsables de ce constat. Parler de la sexualité aujourd’hui est une vraie lutte émancipatrice.« 

Si le titre met le mot « clitoris » en évidence, le film parle plus généralement de la sexualité féminine : « Le clito est encore fort invisibilité mais il y avait deux sujets que nous voulions absolument aborder : la censure autour de la masturbation et l’obligation de la pénétration dans les rapports hétérosexuels.« 

Au niveau de la réalisation, on se rencontre rapidement que le film s’est tourné sans budget, si le son pêche parfois, le sujet reste suffisamment fort pour palier à ce défaut de production. Et puis, il y a le cadre qui étonne. Chaque entretien a été réalisé sur un lit, dans une chambre. Une interview semble très mise-en-scène avec une jeune fille dont la tête est posée sur son oreiller, elle est éclairée d’une très douce et belle lumière, les autres sont filmées en gros plans ou en plans plus larges où l’on découvre les deux réalisatrices, l’une à la caméra et l’autre tenant une Tascam pour prendre le son. « On voulait les interviewer dans un espace où elles se sentent bien. Nous, on n’a rien changé. On s’est posé là et on n’a rien modifié, on n’a pas modifié l’emplacement de leur lit pour avoir une meilleure lumière, etc. On voulait être dans l’image car nous pensons que nous sommes à égalité. Nous avons le même âge, les mêmes problèmes et les mêmes questionnements. Et puis c’est aussi pour faire exister la conversation et montrer qu’il y a peu de distance entre nous. Cela fait un peu soirée pyjama. Il y a un côté intimiste qui est très important pour moi.« 

Enfin, « Mon nom est clitoris » est un film de paroles, d’interviews. Afin de garder des moments de respiration, de sortie du huit clos, les réalisatrices ont créé des ruptures par l’utilisation d’images d’archives pour animer, dynamiser le propos et notamment avec les joueurs de l’équipe de France… qui ne fêtent plus leur première étoile sur leur maillot national mais la date officielle de publication de la planche anatomique du clitoris. Et oui, messieurs dames, en 98, en France, il n’y a pas eu que la victoire des Bleus !

Le sujet est attractif et extrêmement contemporain. La cellule web de la RTBF pourrait bien financer très prochainement une série de capsules pour aller plus loin dans la découverte du sujet et ouvrir le panel des sexualités.

Alors bien évidemment, je ne peux terminer cet article qu’en mentionnant mon amie Biche de ville qui avec ses performances artistique questionne la place de la femme dans notre société et questionne sa sexualité notamment dans son film « Veux Moi » (voir page Facebook). Et je me dois, enfin, de conclure par le programme « Femicity » que j’ai initié l’année dernière en mettant en lumière une cinquantaine de femmes travaillant dans le milieu de l’immobilier et dont la saison 2 viendra prendre place sur le site caviar.archi dès janvier 2020 avec notamment un documentaire de 26 minutes qui questionne l’évolution de la place de la femme architecte.

Fiche technique
Titre : Mon nom est Clitoris
Réalisation : Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet
Pays : Belgique
Genre : Documentaire
Date de sortie : 20/11/2019 (Belgique) – Inconnu (France)
Durée : 1h20
Sélection : Pink Screens – Bruxelles (Novembre 2019)

« Mon nom est clitoris » est projeté à l’occasion du Mois du Doc ce mois de novembre dont certaines sont assorties d’animations originales.
Plus d’infos : https://www.moisdudoc.be/documentaires/8784-mon-nom-est-clitoris

Affiche du film « Mon nom est clitoris » de Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet
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